Photo: la couverture d'un des ouvrages de Pierre MARLSON publié en 1977.
Pitch de ce livre: Flash ; priorité absolue: "Une centrale atomique vient d'exploser. Le tiers d'un département est coupé du reste du pays par une barrière radioactive...".
Que va devenir la population isolée ? Il faut survivre, et aussi vivre. Rapidement va naître une micro-société, véritable communauté libertaire. Cependant qu'au-delà de ces nouvelles frontières, les forces de l'ordre se préparent à la reconquête future. Sur cet échiquier, où deux types de civilisation sont prêts à l'affrontement, un pion imprévisible intervient: un ingénieur inventeur...
"Né en 1935, Pierre MARLSON adore qu'on l'aime, a horreur qu'on l'emmerde ; habite dans la Creuse et publie depuis une dizaine d'années..." c'est ainsi que se définit Pierre MARLSON, au dos d'un de ses ouvrages. Cet auteur de SF habite à côté d'Aubusson. Il fut l'un des organisateurs d'un Festival de Science-Fiction en 1979 à Aubusson auquel participèrent entre autres Yves Frémion, Jean-Claude Forest, Mézières, Druillet, Grichka Bogdanoff, Michel Jeury... Il a collaboré à IRL (Informations Recueillies à Lyon).
Il est également le frère de Daniel COLSON, célèbre auteur d'ouvrages consacré à l'anarchisme. Tous 2 étant originaires d'Aubusson dans la Creuse.
Creuse-Citron, le journal de la Creuse libertaire avait réalisé l'an dernier dans son numéro 15 (janvier-mars 2008) une interview de Pierre MARLSON. La voici:
Creuse-Citron: Tu es creusois depuis longtemps ?
Pierre MARLSON: Je suis né à Aubusson en 1935 et j'y suis toujours.
Creuse-Citron: Comme quoi on peut écrire de la SF à Aubusson.
Pierre MARLSON: Y'a pas de raison, surtout qu'actuellement on vit la révolution de l'informatique, ça peut être dangereux mais en même temps ça ramène une égalité face à l'information entre les gens où qu'ils soient.
Je suis content de voir qu'un gars comme Jean-Marc RAYNAUD des Editions Libertaires m'ait contacté par l'intermédiaire du blog "anarchie23" qui avait échangé des infos sur moi avec le blog [Aubusson] de Jean-Noël Saintrapt. Alors ça m'a relancé parce que malgré mon âge ça m'intéresse toujours.
Creuse-Citron: Tu continues à écrire ?
Pierre MARLSON: Oui j'ai toujours écrit depuis trente ans, j'entassais dans mes tiroirs. Du coup j'ai ressorti mes manuscrits et j'ai quinze romans à proposer.
Creuse-Citron: Peux-tu nous dresser un petit tableau de la Science-Fiction française de la fin des années 70 ?
Pierre MARLSON: Il y avait un mouvement en France qui était la SF politique: on voulait faire de la politique dans des romans, des nouvelles, des contes... Il y avait Bernard Blanc qui s'occupait de ça, il était hargneux, volontaire, antimilitariste, plus que moi (parce que dans les Compagnons de la Marciliague on est bien contents de trouver les militaires pour tomber sur les fachos, je m'amuse beaucoup avec ce genre de truc, je prends les choses à contre pied). Bon, moi j'étais là-dedans, j'écrivais de la SF et je me suis aperçu que j'étais jugé dans le coup.
C'est une période de SF qui a duré une dizaine d'années environ de 1975 à 1985 et après ça s'est tassé.
Il y avait une vraie effervescence, je lisais des nouvelles en public aux rassemblements du Larzac.
J'ai publié "Les Compagnons de la Marciliague" en 1977, puis "Désert" qui est sûrement plus radical. Les compagnons c'est de la petite histoire à la Robert Merle.
Toute cette SF politique était plutôt libertaire et écologiste dans sa thématique.
Creuse-Citron: Comment ça se fait que les autres courants politiques de gauche n'étaient pas représentés ?
Pierre MARLSON: On rejetait tout ce qui était totalitaire. Pour des gens comme moi le stalinisme et l'hitlérisme c'est blanc bonnet et bonnet blanc.
Moi j'ai écrit mes bouquins sur une idée très simple tirée de Michel BAKOUNINE qui disait qu'il n'était pas communiste et qu'il ne le serait jamais. Pour justifier cette idée il disait: c'est la situation qui fait l'homme et jamais l'inverse. C'est pour ça qu'on ne peut pas être communiste parce que si on crée une situation avant de modifier l'homme on va soumettre l'homme à une tyrannie épouvantable. Michel BAKOUNINE était un visionnaire.
Dans mes bouquins, par exemple dans les Compagnons, il y a les militaires qui deviennent anars grâce à la situation, ceux qui veulent créer une situation c'est les fachos et c'est eux qui se font tuer.
Creuse-Citron: Cette position politique tu la partageais avec les autres ?
Pierre MARLSON: Oui, il y avait Andrevon, René Durand, Frémion, Francis Valéry...
Creuse-Citron: On retrouve des thèmes qui étaient ceux de ces années-là: la lutte anti-nucléaire, les communautés, la recherche et la construction d'une contre culture et d'une contre société.
Pierre MARLSON: Je ne dis pas contre société mais autre société, essayer de vivre autrement, libres et égaux, c'est un programme énorme. Si on prend au sérieux les trois devises de la république, liberté-égalité-fraternité, on fout tout en l'air. Si on les applique c'est un bouleversement absolu, ça fout en l'air tous les totalitarismes, ça leur interdit d'exister, même dans l'esprit.
C'est ce que j'aime bien dans "Les Dépossédés" d'Ursula Le Guin. Ce bouquin m'a enthousiasmé, c'est même mieux qu'un livre de théorie. On voit des personnages se poser des questions dont on n'imagine même pas qu'elles peuvent se poser. Au lieu de faire une construction un peu théorique qui débouche sur une utopie, une tyrannie, Ursula met des personnages en jeu à l'échelle de deux planètes. Son idée géniale c'est de dire qu'il y en a une qui est la lune de l'autre, il y en a une où on a exilé tous les anars, tous les gauchistes, tous les chieurs et c'est cette planète-là qui réussit. Ca c'est formidable, parce que justement Ursula se pose des problèmes concrets.
Creuse-Citron: Il y a un écrivain, G.-J. Arnaud, auteur de la "La Compagnie des glaces", qui se définit comme un travailleur de la littérature et dont je trouve l'idéologie assez libertaire. Le connais-tu ?
Pierre MARLSON: Oui je le connais, il a des idées très très bien. C'est quelqu'un qui est très concret, il ne se voile pas la face et ne sous estime pas l'adversaire. Il a trouvé un cadre et système qui marchent pour développer des personnages intéressants. C'est la situation qui fait l'homme chez lui et il met en scène des individus qui sont en prise avec des systèmes policiers et qui réussissent à les battre en brèche. Avec cette saga romanesque Arnaud poursuit la tradition des feuilletonistes de la fin du XIXème et du début du XXème siècle comme Paul Féval ou Michel ZEVACO (journaliste anarchiste et écrivain). Le héros de Michel ZEVACO est un vrai anarchiste, il est contre tout. C'était l'époque des Pieds Nickelés, idéologiquement ils sont épatants, avec une joie de vivre.
Moi j'ai des histoires qui sont rigolotes comme ça, au fond. Une de mes nouvelles "Doux froid bel amour", qui sera peut-être éditée par les Editions Libertaires, met en scène un flic qui est un anti-héros, content de lui, fier, il est là pour faire le bien et il n'arrête pas de faire des conneries, il veut faire son devoir, c'est le vrai scout, naïf, pris dans toutes sortes d'intrigues. Il ne voit rien.
Creuse-Citron: Je trouve le titre d'une de tes nouvelles un peu situationniste "des structures de la parenté dans l'amélioration de la sécurité routière" ?
Pierre MARLSON: En fait il s'agissait de l'histoire d'un sous-préfet en train de sodomiser la femme d'un automobiliste. C'était paru dans "Les lolos de Vénus" une anthologie chez Kesselring. C'était vraiment pour rigoler, c'était de la provoc, mais c'était voulu par l'anthologiste, Bernard Blanc qui avait dit "foutez-nous du cul et plein la gueule".
Creuse-Citron: J'ai trouvé pas mal d'infos intéressantes sur un portail qui s'appelle NooSFere, dédié à la SF française: on y trouve une bibliographie complète avec toutes les revues dans lesquelles ont été publiées tes nouvelles.
Pierre MARLSON: J'ai pas mal publié dans "Phénix", dans "SF et quotidien", dans "Fiction". Depuis ma première nouvelle publiée qui s'appelle "Vengeance de Cloriane", je n'ai jamais changé. Je n'ai pas suivi la mode, la mode est venue à moi. Et même dans mon écriture il y a des recherches d'écriture pure: ce que j'essaye de représenter quand j'écris, ce n'est pas ce qu'est réputé penser le personnage, j'essaye de rendre des états de conscience. J'ai l'intention au maximum de fournir des états de conscience qui forment un récit. Il n'y a pas besoin de dire "il était une fois", c'est des conventions, on peut en inventer d'autres. C'est très proche des séries TV mais elles sont traitées à la manière traditionnelle. Ce que j'essaye de faire en fait, c'est ce qu'ont fait les auteurs qui me plaisent: Proust, Faulkner. Quand on commence à lire "Sound and fury" de Faulkner on lit 30 pages et on se dit: "ah il y a un exposé préliminaire, puis je vais découvrir l'histoire", et puis au milieu on se le dit toujours et à la fin on se le dit encore. Quand on a fini le bouquin et qu'on a vu qu'il n'y avait rien de raconté, on s'aperçoit que tout était fourni et qu'on l'a absorbé osmotiquement.
A l'époque il y avait une volonté chez les auteurs de SF de soigner l'écriture et on a suivi toute l'évolution littéraire: on était néo-romanesque aussi. C'était pas qu'on voulait faire du nouveau roman, c'est qu'on l'avait absorbé.
Creuse-Citron: La SF des années 70 nous décrivait ce vers quoi il ne fallait pas aller, mais aujourd'hui on a malheureusement l'impression d'y être arrivés. Y a-t-il encore la place pour une écriture de ce vers quoi il ne faut pas aller ?
Pierre MARLSON: Ca, c'est ce qu'on dit tout le temps, mais on peut toujours trouver pire. C'est sombre comme perspective, mais on a pu dire que dans mes histoires il était toujours trop tard !
Creuse-Citron: Je pensais aux romans de SF préhistorique comme ceux de Jean Auel "Les enfants de la terre", c'est une veine qui t'intéresse ?
Pierre MARLSON: Oui j'aime bien, je l'ai tout lu. Mais je préfère "La guerre du feu" de Rosny Ainé. Je suis né au monde intellectuel avec La Guerre du feu.
Creuse-Citron: La société de cette époque-là était basée sur l'échange et pas sur le commerce, les gens se déplaçaient et partageaient leur savoir.
Pierre MARLSON: Ils s'entraidaient et ne pouvaient pas faire autrement. Les gens ne pouvaient pas se payer le luxe de se faire la guerre, ils n'étaient pas assez nombreux. Ils se fédéraient.
Creuse-Citron: Il y a mieux et pire que la SF, as-tu entendu parler de "Second life" ? Ce monde virtuel où sont maintenant présentes les grandes entreprises, les banques et même l'armée française, et où circule de l'argent qui n'est pas du tout virtuel.
Pierre MARLSON: C'est ni plus ni moins que la schizophrénie mise en valeur. Internet c'est comme la télé, il ne faut pas se droguer avec, il faut l'utiliser pour faire quelque chose, il ne faut pas l'utiliser pour être perdu dans un rêve. Il y a des fois où je me suis interrogé sur le cinéma et la littérature, parce que ça fournit des substituts de passions violentes, comme le disait Huxley dans "Le meilleur des mondes".
Repères bibliographiques:
-Pierre MARLSON: "Les Compagnons de la Marciliague", ENCRE, l'Utopie tout de suite, 1977.
"Désert !", Kesselring, Ici et maintenant, 1979.
"L'Empire du peuple" (en coll. avec Albert Higon), Albin Michel, Super fiction, 1977.
"Hyménophage", Ponte Mirone, Ecrits possibles, 1978.
"Des métiers d'avenir" (anthologie), Ponte Mirone, Espaces mondes, 1979.
Et une vingtaine de nouvelles dans des recueils, comme "Présence du futur" chez Denoël, ou des revues comme "Phénix", "SF et quotidien", "Fiction", "Lard-Frit", etc.
Les livres de Pierre MARLSON ne sont plus disponibles en librairie mais se trouvent facilement en bibliothèque ou en occasion.
-Rosny Ainé: "La Guerre du feu", Hachette.
-Ursula Le Guin: "Les Dépossédés", Le Livre de Poche, 2006.
-G.-J. Arnaud: "La Compagnie des glaces", Fleuve Noir Science fiction.
-NooSFere est une association qui a pour but de promouvoir la science-fiction de langue française, au travers du site web: http://www.noosfere.com
Bonsoir ! Nous présenterons ici prochainement (rubrique "Ouvrages anars") le nouveau recueil de nouvelles de Pierre MARLSON "La Terre et les Temps" qui vient juste de sortir aux Editions Libertaires.
Salutations Anarchistes !
http://anarchie23.centerblog.net
Alayn,
et tous ceux ici qui seront intéressés Martial alias Pierre MARLSON dédicacera l'ouvrage publié aux Editions Libertaires le samedi 21 Février de 15 à 18 h à la librairie la Licorne à Aubusson.
Venez rencontrer ce volubile personnage.
Bonsoir ! Ok, merci pour l'info François.
Nous essayerons de venir.
Salutations Anarchistes !
http://anarchie23.centerblog.net
Bonsoir !
Pierre Marlson est décédé le 19 octobre.
Aubusson vient de perdre l'un de ses écrivains de SF libertaire (d'inspiration bakouniniste comme aimait le rappeler Pierre Marlson humblement).
Salutations Anarchistes !
http://anarchie23.centerblog.net